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Perception des signaux du stress oxydant chez le nématode C. elegans

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Les dérivés réactifs de l’oxygène sont à la fois messagers et poisons dans les cellules : à dose physiologique, ils activent de nombreuses voies de signalisation, à dose excessive, ils provoquent le stress oxydant, une menace pour l’intégrité des constituants cellulaires. Dans cette étude de l'équipe Charvin, avec en première autrice Sophie Quintin, et publiée dans le journal PLOS One, les scientifiques décryptent les mécanismes de la perception du stress oxydant chez le nématode C. elegans. Ils montrent que l’animal perçoit différemment la lumière et le péroxyde d’hydrogène (H2O2) par des neurones de la tête et de la queue, via des mécanismes moléculaires distincts.

En condition normale, les dérivés réactifs de l’oxygène servent de catalyseur dans de nombreuses voies de signalisation. Cependant, lors d’un stress causé par l’exposition à un agent physique ou chimique (rayons UV, toxine, pesticide,..), leur concentration intracellulaire devient excessive, et ils constituent une menace pour l’ADN, les protéines ou les lipides. On parle alors de stress oxydant. Celui-ci est impliqué dans de nombreuses maladies telles que le cancer, le diabète ou l’athérosclérose. En réponse au stress oxydant, les cellules ont recours au déploiement d’un arsenal antioxydant, ceci ayant fait l’objet de nombreuses études. En revanche, comment les signaux du stress, comme le H2O2, un des dérivés réactifs de l’oxygène, sont-ils perçus et intégrés au niveau d’un organisme entier ? cette question reste largement méconnue.   

 

C’est le nématode C. elegans, un organisme modèle très simple, qui a été retenu pour étudier cette question. L’enjeu pour les chercheurs a consisté à décrypter l’activité neuronale d’animaux exposés à différentes doses de H2O2, mimant tantôt un stress oxydant, tantôt une dose physiologique. Pour relever ce défi, ils ont mis en commun leurs compétences respectives de biologie cellulaire et de biophysique, leur permettant d’analyser en temps réel les réponses neuronales d’animaux immobilisés sur une puce microfluidique (cf illustration). Leurs travaux montrent que la réponse au H2O2 met en jeu des neurones de la tête, appelés I2, et de la queue, appelés PHA, qui ne présentent pas la même sensibilité au H2O2. La réponse des neurones I2 et PHA repose sur des mécanismes moléculaires distincts, dont le dénominateur commun est la nécessité de la péroxiredoxine, un antioxydant très conservé. Enfin, s’il était connu de longue date que les nématodes avaient un réflexe de fuite lorsqu’un flash de lumière était appliqué sur leur queue, cette étude montre pour la première fois que les neurones PHA sont des cellules photosensibles, agissant comme des yeux rudimentaires.

 

Ainsi, ces travaux illustrent que chez le nématode comme chez la levure, la perception de la lumière et celle du H2O2 sont étroitement liées, mais que les mécanismes de transduction du signal sont différents dans les neurones de la tête et de la queue. Les chercheurs formulent l’hypothèse que l’intégration des signaux émanant de ces neurones oriente la réponse comportementale du ver face à un stress exogène, et lui permette de trouver une niche adaptée dans son environnement.